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[|Funérailles d’Antoine Chatelard
Marseille Eglise Sainte Marthe
Mercredi 6 janvier 2021|]

Ephésiens 3 2-6
Jn 15, 9-17

Allant rejoindre son Père, Jésus disait à ses disciples : “Comme le Père m’a aimé, moi aussi , je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé fidèlement les commandements de mon père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie. Mon commandement le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres.”

Homélie

« Tu découvriras Antoine, c’est un homme fraternel soucieux du détail » ! C’est ainsi que l’évêque du diocèse du Sahara, Mgr Claude Rault, m’a présenté depuis Ghardaïa celui que je devais rencontrer en août 2014, en compagnie de ses frères Taher et Jean-Marie, dans la communauté de Tamanrasset. Je devais m’en apercevoir rapidement en lisant dans la foulée les deux premières biographies sur frère Charles : « La mort de Charles de Foucauld » puis « Le chemin vers Tamanrasset ». Nul doute que le dernier ouvrage de cette trilogie, terminé mais en attente de la canonisation du Bienheureux Charles de Foucauld pour être publié, sera riche d’informations précieuses sur la personnalité de l’ermite du Hoggar.

Nous l’entendons dans ses épitres, le Mystère du Christ travaillait l’apôtre Paul qui voyait en ce Mystère la présence visible du Dieu unique étendue à tous les hommes de la terre pour en constituer un Corps lui-même unique, dans la paix. Nous dirions plus facilement aujourd’hui avec Charles de Foucauld et à présent aussi avec le pape François, une fraternité de paix, rassemblée : « Tous frères ». L’Evangile que nous venons d’entendre, renforce les mots de St Paul. Jésus nous lance à tous : « Comme le Père m’a aimé moi aussi je vous ai aimés ». Je m’appuie sur ces mots pour témoigner de la manière dont Antoine m’est apparu évoluer parmi les habitants du Hoggar et plus largement au cœur du peuple algérien.

Epousant parfaitement l’intuition de frère Charles, Antoine s’est laissé gagner par la population de la petite ville grandissante de Tamanrasset devenant un centre urbain important au cœur du Sahara. Sans jamais chercher à se montrer plus pauvre ni bien sûr plus riche que ses voisins, je ne le voyais pas faire une différence entre eux et ceux qu’il a pu connaître dans sa ville natale de Saint-Romain-les Atheux dans la Loire, parmi les clients de la boulangerie paternelle. Sa mémoire fidèle lui permettait de posséder en lui une sorte d’annuaire de la généalogie des principales familles touarègues, notamment des Dag Khali, dont Charles de Foucauld avait été lui-même très proche. Ainsi Antoine, par la simple et très naturelle curiosité du chercheur, est devenu peu à peu un pont entre les générations de ces familles anciennes du Hoggar.

Le témoignage d’Antoine me permit alors de découvrir l’expérience vécue et offerte à tous par les Petits-Frères et Petites-Sœurs de Jésus, dans leurs insertions au cœur de la vie des peuples. Lors d’une retraite au monastère de Tibhirine, le père Christian Salenson s’interrogeait lui-même : « Et si la fraternité était le but de la mission, déjà en Algérie ? » Citant Christian de Chergé et le Concile Vatican II, il rappelait que les membres des autres religions ont aussi une « bonne nouvelle » à annoncer. « Avec la spécificité de sa bonne nouvelle en Jésus-Christ, notre Eglise est en visitation », nous disait-il.

« Visitation ». En effet, La vocation de frère Antoine était bien en premier lieu celle de la prière au cœur des peuples d’Algérie ; une contemplation de Celui que Frère Charles n’a cessé de chercher et derrière lequel il marchait. Il semble bien alors que la passion portée à ce travail d’enquête méticuleuse de l’itinéraire et de la personnalité de Charles de Foucauld en terre algérienne, a été comme ces accidents sur un parcours de vie qui deviennent des rencontres fortuites et des sortes de clins d’œil de l’Esprit Saint. Tout comme frère Charles est devenu « savant malgré lui » pour reprendre l’un des thèmes du prochain livre d’Antoine, celui-ci est devenu biographe malgré lui. Mais il aimait ce qu’il était devenu.

[/Bertrand Gournay/]

Frère Antoine
C’est dans ce début d’année 2021 que l’âme du Frère Antoine a rejoint le seigneur. Il est parti brusquement, furtivement et son départ est certes douloureux pour nous puisque nous laissant un grand vide. Venu depuis les années 50 sur les traces de son émule Charles de Foucauld, il s’est donné à fond dans sa démarche hautement humaine et fraternelle. Il a tout de suite pris la décision de s’impliquer socialement pour apporter sa contribution, en faisant tous les métiers : technicien hydraulique, secrétaire à la mairie, boulanger. Proche des habitants de la ville de Tamanrasset. Pour les touaregs qui habitent dans les villages et ceux qui nomadisent il a consacré beaucoup de son temps. Pour mieux les approcher il a appris la langue tamaschek et l’arabe parlé. Il a été aussi l’instituteur des enfants en difficultés avec la langue de Molière. Il était aussi fin connaisseur des us et coutumes locales et partageait ainsi les moments de peine et de joie.

Tout ce qui touche la région, son relief ses oueds et montagnes et leurs historiques, Antoine les connaissait bien. Il était aussi la référence mémorielle lorsqu’il fallait parler des prières dans les zeribas qui constituaient l’habitat aux débuts de Tamanrasset. Essayant de marcher sur les traces de Charles de Foucauld il a parcouru presque tous les ouvrages sur le saint père et en est devenu le spécialiste. Il a admirablement écrit deux livres sur le 1er marabout du Sahara pour balayer tous les malentendus. Au fil du temps il est devenu notre porte drapeau, pour rappeler notre mémoire collective. Homme de cœur et de sagesse il était aimé et apprécié par tous. Il nous quitte ces jours-ci mais son souvenir, ses paroles sages et mesurées ne nous quittent point car elles nous habitent.

En 2015, avec quelques-uns parmi les anciens de la ville, moi, mon frère Azzouz et Kadda Hiri dont le père, 1er boulanger de la ville, a trouvé évidemment chez Antoine l’artisan le plus approprié pour lui prêter main forte, nous nous sommes réunis autour de lui pour fêter ses 60 ans parmi nous.

[/Tamanrasset le 4 janvier 2021, Un ami fidèle d’Antoine, membre d’une vieille famille de Tamanrasset/]